COMPTE PRIVE FACEBOOK : DROIT A LA PREUVE ET ATTEINTE A LA VIE PRIVEE DU SALARIE

Jurisprudence
23/11/2020

COMPTE PRIVE FACEBOOK : DROIT A LA PREUVE ET ATTEINTE A LA VIE PRIVEE DU SALARIE

Une salariée chef de projet de la société Petit Bateau contestait son licenciement pour faute grave notifié en raison de son manquement à son obligation contractuelle de confidentialité pour avoir publié sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection présentée en exclusivité aux commerciaux de la société.
La salariée fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave alors que l’employeur ne peut accéder aux informations d’un compte Facebook de l’un de ses salariés sans y avoir été autorisé, de sorte que la preuve était irrecevable.
La salariée faisait également valoir que l’employeur ne pouvait lui porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de sa vie privée en s’immisçant abusivement dans ses publications sur les réseaux sociaux.
La Cour de cassation rejette le pourvoi : la cour d’appel ayant constaté que la publication litigieuse avait été communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder au compte de la salariée, elle a pu en déduire que la preuve avait été obtenue loyalement, aucun stratagème pour recueillir la preuve n’ayant été utilisé.
Concernant l’atteinte à la vie privée, la Cour décide qu’il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Si la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée, la cour d’appel a constaté que pour établir le grief de divulgation d’information confidentielle, l’employeur s’est borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte. C’est donc à bon droit que la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires (Cass. soc., 30 septembre 2020 n°19-12.058).